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NATI, Secrétaire d'État aux Rapatriés. Monsieur Valéry GISCARD d'ESTAING (Président de la république) passe ensuite la revue des troupes du 43eme R.I, qui lui rendent les honneurs. Il se place au portail sud où il est reçu par Monsieur HACCARD, maire d'Ablain Saint Nazaire, Monseigneur HUYGHE, Évêque d'Arras, le Général de la BRETESCHE et Monsieur MARTIN, représentants le Comité du Monument de Notre Dame de Lorette. Le Drapeau de la Garde d'honneur est alors salué par le Président de la République. Un aspirant du 7eme Chasseurs, porteur d'un flambeau allumé la veille à l'Arc de Triomphe précède le cercueil drapé de tricolore. Le cercueil et la Flamme ont été amenés d'ARRAS sur une A.L.M. Le corps est porté sur les épaules de six Anciens Combattants d'A.F.N. encadrés par deux Anciens Combattants de 14/18 et deux Anciens Combattants de 39/45 (dont Monsieur LESPIAUC, Président de l'Union Fédérale du Pas-de-Calais) ainsi que par deux soldats du contingent. Il est 11 heures maintenant. Les tambours, voilés de crêpe, de la Garde Républicaine exécutent une marche funèbre, lentement le cercueil et sa suite officielle entrent dans le carré au pied de la tour de l'ossuaire où le catafalque a été dressé très simplement sous les plis du drapeau de la Garde d'Honneur de Notre Dame de Lorette qui flotte au vent d'Artois. Alors, au milieu de ce carré brillant de soleil, le Président de la République ranime la Flamme à l'aide d'une épée présentée par Monsieur le Chanoine AIMARD, Président de la Garde d'Honneur et instigateur de la cérémonie. Il avance pour déposer au nom de la nation, une gerbe de roses rouges sur le cercueil. Après cet instant de recueillement, le Soldat Inconnu Mort pour la France en Algérie va recevoir l'hommage de tous les départements de la métropole et d'outre-mer. C'est ainsi qu'une centaine de gerbes bleues, blanches, rouges sont déposées sur les marches du parvis par des écoliers et collégiens des environs. Pendant ce temps, la Garde Républicaine joue une marche solennelle avant le " Notre Père" de Rimski Korsakov chanté par les chorales réunies de la ville d'ARRAS. Ces accents solennels précèdent le moment des prières chrétiennes, musulmanes et hébraïques: Monseigneur HUYGHE et le Pasteur DELBECQUE lisent une prière commune. L'liman BENZAOUA psalmodie une incantation nostalgique. Enfin le Rabbin NEZZERI appelle aussi la paix éternelle sur tous ceux qui reposent à Notre Dame de Lorette. Puis les chorales réunies d'ARRAS exécutent " la Chorale des Veilleurs " de BACH avant la minute de silence ponctuée par les roulements des tambours qui se répercutent aux quatre coins du plateau sacré pendant que brillent au soleil les sabres du 1er Régiment de Spahis de Spire, dans leur burnous légendaire, ultime rappel de l'armée africaine comme aussi les accents du " Chant des Africains " qui sera jouée plus tard. Le Président de la République prend place devant le pupitre et va s'adresser maintenant à l'assistance : Le Soldat inconnu des combats d'Afrique du Nord est mort pour la France. Comme ces milliers de combattants de l'Artois qui sont morts en 1915 pour reprendre à l'ennemi cette colline. Comme tous ceux qui, d'âge en âge, au seuil de cette plaine du Nord où s'ouvre dans le corps de la France la terrible brèche qu'évoquait un jour le Général de GAULLE, ont fait de leur poitrine, un rempart pour barrer à l'envahisseur, la route de la capitale. Comme tous les combattants de toutes les guerres morts pour la Liberté , l'intégralité et l'Honneur de la France. Nous sommes réunis aujourd'hui pour apporter ce témoignage. Il est juste que le Soldat Inconnu d'Afrique du Nord repose ici, aux côtés de ses frères d'armes des deux guerres mondiales dans ce Cimetière National de Lorette, dépositaire de tant de gloire. C'est un même hommage qui leur sera désormais rendu par la Nation et, à travers eux, à tous ceux qui, sur son sol et au delà des mers, ont fait pour elle le sacrifice de leur vie. . . Je le dis hautement : l'armée a accompli, en Algérie, dans les plus difficiles conditions qui soient, une grande tâche. Elle s'est efforcée de sauvegarder la vie et la sécurité des populations. Elle a veillé à ne pas atteindre autant que faire se pouvait l'héritage matériel mais aussi moral et culturel du peuple algérien. Tous ceux qui ont vécu sur cette terre pendant cette période le savent : c'étaient moins le rebelle, l'insoumis, le patriote qui combattait notre armée, que la terreur aveugle, la maladie, le sous-développement et la faim. Combien d'appelés n'ont-ils pas passé le plus clair de leur temps à construire des maisons, des écoles, des dispensaires, à creuser des points d'eau, à lutter contre les épidémies. En faisant preuve d'une capacité exceptionnelle d'adaptation à de nouvelles formes d'actions, militaires de carrière, soldats du contingent, combattants volontaires, territoriaux et harkis se sont battus pour rendre une solution plus juste et plus humaine et pour préserver l'avenir. C'est grâce à leur courage, leur dévouement et souvent leur sacrifice que la France à pu choisir librement la voie de l'autodétermination, sans y être militairement contrainte. Elle leur en exprime aujourd'hui par ma voix, sa reconnaissance... Le soldat aux traits inconnus des opérations d'Afrique du Nord, qui va dormir désormais dans ce cimetière de Lorette, ce jeune homme qui a vécu parmi nous, est le frère de celui qui repose sous l'Arc de Triomphe à Paris. A l'un comme à l'autre, les honneurs militaires, le salut des drapeaux, la présence du Chef de l'État, disent la gratitude d'un peuple qui sait, le moment venu, mettre sa vie en jeu pour défendre sa sécurité, son honneur et ses libertés. Les Soldats de l'An II et ceux de la Marne, les combattants de Verdun et ceux du Vercors, les spahis et le régiment de marche du Tchad tendent une main fraternelle à celui qui repose ici. Que le Soldat Inconnu d'Afrique du Nord, notre jeune frère dont le nom est perdu, reste toujours dans notre souvenir, comme un exemple et une leçon. Après cette allocution écoutée par tous avec attention, le cercueil voilé aux couleurs nationales, est repris par les porteurs et amené à l'intérieur de l'ossuaire suivi seulement par le Chef de l'État. Désormais le Soldat Inconnu d'Algérie repose dans la crypte à côté de ses aînés. Il est midi maintenant et avant la dislocation, le Président de la République fait lentement le tour du carré officiel, s'adressant de-ci, de-là et conversant avec les délégations d'Anciens Combattants, les personnalités civiles, militaires, religieuses, les enfants qui avaient fleuri les marches de la Tour-lanterne, les choristes et les musiciens de la Garde Républicaine ainsi qu'avec les grands blessés et mutilés et les parents des tués en Afrique du Nord parmi lesquels on reconnaissait le Comte de Paris. Et petit à petit, derrière la marée ondoyante des drapeaux, la foule s'en est allée pendant que le Chef de l'État, retardé par les mains qui se tendaient vers lui, quittait lui aussi le plateau de Notre Dame de Lorette qui venait de vivre des instants historiques.
SOLDAT INCONNU de 14/18
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